Coucou maman,
J'ai voulu t'écrire cette lettre pour un peu déposer toutes les choses qui restent lourdes dans mon coeur par rapport à notre relation.
D'abord je voudrais commencer par dire que je tiens énormément à toi et peu importe ce que j'ai pu dire sous le coup de la colère ou de la tristesse, je t'aime. Et ça ne changera jamais. J'ai beaucoup de choses à te dire, à te faire comprendre et de questions à te demander mais quand j'écris, plus rien ne me vient à l'esprit.
Quand tu penses à moi, es-tu déçue de moi ? Quelle émotion te viens directement quand tu penses à moi ? Pour moi quand je penses à toi, il y a un tourbillon de sentiments qui commence à virvoleter dans mon coeur. Je suis plus que triste quand je vois la distance qui s'est créée entre nous. J'aimerais tant qu'on puisse faire des sorties qui nous plaisent et qui sont pas toujours centrées sur la religion. J'ai essayé d'avoir la foi, mais j'ai compris que l'Eglise avait trop de valeurs qui allaient à l'encontre des miennes et je ne crois pas en Dieu tout simplement. Tu m'en veux pour ça ? Je sais que c'est très important pour toi, mais ne t'inquiètes pas, je pourrais t'accompagner à des messes de temps à autre (mais l'effort doit venir des deux côtés, je fais des trucs qui te font plaisir mais moi aussi je peux t'inviter à passer du temps avec moi en faisant des choses qui me font plaisir).
Je sais que mon mal-être te rends toi aussi soucieuse et inquiète mais alors pourquoi quand je te dis que ce qui nourris le monstre qu'est la maladie c'est justement le fait que tu ne m'accepte pas et ne me soutienne pas. Qu'est-ce qui te dérange si profondément que tu ne veuille même plus adresser la parole à ton propre enfant. Je sais qu'une transition c'est déroutant et qu'en tant que parent, on a besoin de temps pour s'adapter. Mais tu m'a laissé entierement seul quand j'avais besoin de toi. J'avais besoin de toi quand je me faisait harceler à l'école, quand on m'a fait des choses que je n'oserait même pas écrire, quand je réalisait que je n'étais pas une fille et que quelque chose n'allait pas avec mon corps. Alors j'ai puni ce corps qui grandissait et évoluait de la mauvaise manière. Je sais que tu dois penser que Dieu voulait que ça arrive de cette manière et je ne t'en veux pas pour ça mais qui crois-tu plus ? Ton enfant qui souffre intérieurement ou bien ton Dieu qui fait aussi des erreurs. En tout cas, pour moi, transitionner c'est une question de vie ou de mort. Je me sens mal à l'aise dans mon corps depuis ma puberté. Plus que juste le malaise normal qui arrive à tout le monde. Quand je me regardais et que je me regarde encore dans la glace, je vois quelqu'un qui n'est pas moi, quelqu'un qui diffère de ce que je suis à l'intérieur. Je veux être ton enfant mais pas une fille. Je veux être une bonne personne quelqu'un dont tu seras fier, c'est tout ce qui devrait importer non ? Je sais que c'est compliqué à accepter mais si tu as des questions, tu peux me les poser. J'ai besoin de toi dans ma vie maman.
Enfin, je n'ai pas changé de prénom pour te blesser, mais justement parcequ'entendre mon ancien prénom me blessait. C'était un rappel constant à la feminité, chose que j'ai en parti en moi mais si le genre était un spectre, je me pencherais plutôt vers le côtés masculins. J'aime jouer avec les codes sociaux de présentation du masculin et du féminin. Mais ça tu l'avais déjà remarqué (je me maquille de manière extravagante et je porte des vêtements larges pour hommes). C'est pour ça que j'ai pris le nom Jules. En français, c'est un nom typiquement donné aux garçon et en anglais c'est un nom facilement donné aux filles. Je ne regrette en aucun cas le choix d'avoir changé de prénom car il me correspond bien et est rempli d'amour que beaucoup de gens lui ont apporté. Mais j'ai quand même gardé les autres prénom car ils me rappellent mon héritage, ma culture et toi, maman. Si tu n'arrives pas à prononcer mon nom Jules alors je prefère que tu m'appelles Taha vu que c'est le prénom le plus masculin des deux. Est-ce que tu veux au moins ne serait-ce qu'essayer de me genrer au masculin (utiliser les pronom il), ça me fait énormément de bien quand on me genre au masculin. Mais si jamais tu n'es pas encore prête à entendre ou à faire travail ou le deuil de tout ça, c'est ok, mais moi je voulais juste te dire que je ne vais pas passer tout mon temps à t'attendre sur le chemin qu'est ma vie.
Je t'aime maman, même si tu as besoin de distance en ce moment ou pour toujours, ça ne change pas que j'ai besoin de ma mère à mes côtés pour essayer d'aller mieux. Si c'est trop pour toi, dis-le moi et j'essayerais de passer à autre chose. Construire ma vie avec ton abscence dedans.